« Il est important pour les patients d’avoir une vue d’ensemble de leur historique médical. »
Pouvez-vous transférer toutes les données de « MonDossierMedical.ch » vers le nouveau dossier de CARA ?
S. Spahni: Oui en grande partie. Cependant un transfert automatique n’était pas possible pour des questions juridiques et techniques. Nous avons donc mis en place un processus de republication aussi bien pour les documents produits par les HUG que pour ceux produits par d’autres professionnels ou par le patient lui-même : pour les premiers, les HUG publient systématiquement tout l’historique d’un patient lors de son inscription. Il retrouve donc automatiquement tous ces documents – cela fait partie du processus normal. Pour les autres documents, les contraintes juridiques nous imposent un consentement du patient pour faire le transfert. Nous proposons donc aux patients qui se réinscrivent à CARA un service de transfert de tous leurs documents admissibles dans le DEP et cela jusqu’au 31 décembre 2022. Il est important pour les patients d’avoir une vue d’ensemble de leur historique médical.
La population fait preuve d’un grand intérêt. Qu’en est-il des professionnels de la santé ?
C. Lecygne : Les professionnels de la santé rattachés aux HUG connaissent très bien les avantages du dossier électronique du patient sur la base des expériences faites. Le passage à CARA nécessite toutefois un certain effort initial afin d’obtenir son accès individuel. Nous proposons une formation sous format vidéo d’une durée de 40 minutes à l’intention de nos soignants ainsi qu’un accompagnement à l’obtention de l’identité électronique et du compte sur la plate-forme CARA. Il sera cependant plus facile de les motiver lorsque d’autres hôpitaux ou médecins contribueront aussi aux dossiers des patients.
« Nous pouvons et devons tous apprendre les uns des autres sur notre chemin vers un système de santé numérique. »
Que conseillez-vous à vos collègues d’autres hôpitaux en vue de l’introduction du dossier électronique du patient ?
S. Spahni : Prévoyez suffisamment de temps et de ressources ! Aux HUG, nous avons sept personnes qui s’occupent de l’introduction du dossier électronique du patient de CARA, deux se concentrent sur les aspects techniques (1,1 équivalent plein-temps), cinq sur l’administration (4.3 équivalents plein temps). Demander aux soignants de publier manuellement les documents dans le DEP du patient n’est pas réaliste en termes de charge administrative.
C. Lecygne : L’hôpital dispose de deux points de contact auprès desquels les personnes intéressées peuvent prendre rendez-vous pour ouvrir un dossier. Un service de conseil général est également disponible. Ce service de conseil est très demandé : nous recevons jusqu’à 40 appels par jour. Si je devais donner un conseil, ce serait d’échanger avec d’autres hôpitaux. Nous pouvons et devons tous apprendre les uns des autres sur notre chemin vers un système de santé numérique.
Avez-vous vous-même de l’expérience dans ce domaine ?
C. Lecygne : Oui, nous entretenons des contacts avec d’autres hôpitaux de Suisse romande depuis des années. Nous coopérons désormais également avec des hôpitaux du Tessin. Ces contacts sont précieux.
Quels enseignements en tirez-vous ? Pouvez-vous donner un exemple ?
S. Spahni : Nous nous concentrons sur les questions tirées de la pratique, plutôt que sur la théorie. Imaginez par exemple qu’un médecin diagnostique chez un patient un cancer agressif à un stade avancé. À partir de quand ce diagnostic est-il disponible par écrit ? Quand ces informations sont-elles consignées dans le dossier électronique du patient ? Malgré toute la technologie, le patient a avant tout besoin de dialoguer. L’harmonisation de ces processus fait partie des défis de la mise en œuvre pratique. Prenons un autre exemple : l’emplacement des points d’ouverture pour le dossier électronique du patient est très important. L’expérience des hôpitaux montre que les patients préfèrent ouvrir leur dossier dans un contexte médical que dans un bureau quelconque.
« L’intérêt des patients est la meilleure preuve du potentiel que recèle le dossier électronique. »
Nous avons longuement évoqué les défis techniques du dossier électronique du patient. Êtes-vous optimistes en ce qui concerne l’avenir de cette solution ?
S. Spahni : ((Rires)) Nous, les informaticiens, sommes habitués aux défis techniques, c’est notre métier. Pour nous, c’est normal qu’un prototype ne fonctionne pas parfaitement dans tous les domaines. L’intérêt des patients est la meilleure preuve du potentiel que recèle le dossier électronique.
C. Lecygne : Le dossier électronique du patient appartient à l’avenir. Dans une certaine mesure, les HUG font office de pionniers. Les obstacles techniques en font partie. À long terme, la solution nationale s’imposera.